α et ω – Après la fin vient le commencement.

02/08/2019 23h00

ω est assise sur le bord du lit en train de chialer, peut-être parce qu’elle a compris que je vais me barrer ou peut-être juste parce que ça lui arrive très souvent surtout quand elle vient de faire un cauchemar. À vrai dire, je n’en sais rien. Je la connais tellement peu. Je ne me rappelle plus ce que je fais là, mais une chose est sûre, je me suis trop attardé. À présent, il est temps de rentrer et de ne plus jamais revenir. Alors je la laisse pleurer comme une conne. Qu’un autre clampin essuie ses larmes de grosse pouffe. Je n’ai aucune pitié pour elle, pas le moindre sentiment même pas l’envie de l’achever ou de la torturer ou si, peut-être un peu… après tout quel chat n’aime pas jouer avec une souris… mais les chats raisonnables savent que s’ils trainent trop à chasser et à maltraiter les pauvres souris, ils risquent de trouver porte close et de ne plus pouvoir revenir au foyer. Alors bordel, il est temps de rentrer. Je jette ma clope par terre, ça fait des années que je ne fume plus, mais là, je tiens quand même une clope, allez savoir pourquoi. Peut-être une résurgence de l’ancien moi, celui qui adorait foutre la merde avant de devenir un « père de famille respectable ». Pas grave, c’est sympa de revoir ce connard de temps à autre, mais là, qu’il aille au diable lui, ses putains de Marlboro et ses baskets blanches. La clope en tombant fait un fracas de bâtard, à tel point que ω relève la tête. Ses beaux yeux en amande sont trempés de larmes luisant comme mon méat urinaire suintant de liquide séminal en cet instant. La clope fout le feu au tapis. ω me regarde avec un air chargé de détresse, genre :

« Tu vas éteindre ce feu, tu vas faire ça pour moi, tu vas nous emmener loin d’ici et nous sortir de là ».

Et moi, je lui renvoie un sourire du style :

« Tu peux courir bébé, c’est moi qui t’ai fabriqué et c’est moi qui vais te détruire. Je vais te laisser crever dans cet apart mminable sans aucune pitié ».

ω parait dégoûtée, elle aimerait se lever, partir avec moi, continuer notre histoire, mais elle ne le peut pas, elle m’appartient, elle est ma création. Un schéma qui n’existe que dans mon cerveau, un réseau neuronal désuet, une constellation éphémère que je peux éteindre d’un revers de la main. Je ne prends même pas le temps de lui accorder un regard, je fais volte-face et mon trois quart en cuir noir sur le dos, je me dirige vers la sortie. Sur les murs blancs, exempts de déco, le brasier se reflète et s’amplifie. Je sens derrière moi un véritable mur de flamme et au milieu des crépitements, je crois encore distinguer les pleurs et les plaintes de ω. Que cette salope chiale, qu’elle crame, qu’elle crève… je n’en ai rien à foutre. De son putain de studio sans âme, je sors le cœur léger, mais au lieu de déboucher sur l’intérieur d’un immeuble, je déboule dans un authetique donjon, les murs sont moites. Ils tremblent et grondent comme s’ils étaient vivants. Leur surface est agitée de spasmes qui semblent s’accorder aux sanglots de ω. Je dois quitter ce lieu avant que tout s’écroule. Je me dirige à tâtons, parcours un dédale, sillonne des conduits sinueux puis à un moment, je vois la lumière, très loin au fond du tunnel. J’avance dans sa direction, je cours… derrière moi tout s’éboule, c’est le kiff, exit ω, je l’imagine brûler vive, les gravats s’effondrer sur son cadavre carbonisé. Elle restera prisonnière des décombres pendant des siècles. Moi depuis longtemps éteint, après une belle vie, quelqu’un viendra la déterrer et le vent emportera la poussière de son corps, elle sèmera probablement le trouble dans d’autres esprits, mais, peu importe, il s’agira d’autre personne. Comme moi, certains en sortiront plus forts, d’autres perdront leur âme. Que voulez-vous, c’est le jeu depuis la nuit des temps, le monde tourne ainsi. Je me retourne et je crie :

« Démon, meurs fils de pute de démon ! Crève, crève je te dis, salope ! Tu n’existes pas, je te méprise, je te dénoue comme un tissage maléfique. Retourne dans ta fange démon ! Mon esprit est un sanctuaire et j’y invite qu’y je veux et toi démon, tu n’es pas le bienvenu ! Pas la bienvenue salope ! Crève sale pute ! Meurs… »

Et je brandis un crucifix alors que je ne crois plus à ces conneries depuis longtemps, que je n’y ai jamais cru, mais cet enculé de démon y croit lui, car au-dessus du brasier, une forme s’élève. Une silhouette massive et musculeuse, couleur de cendre avec des ailes de chauve-souris et une mâchoire de requin d’où jaillit une langue de serpent qui semble être douée d’une existence indépendante. Sous un front surmonté de cornes de taureau, siège des yeux de crocodiles. Le regard reptilien me scrute un instant, il me rappelle les yeux d’ω, mais ils ne peuvent plus rien me faire et la créature se dissout et retourne à la fumée. Je reprends ma course arrive dans un jardin à la française, des arbustes et des haies sont taillés à la perfection. Ils représentent des formes angéliques. Le niveau de détail est si impressionnant que ces statues végétales paraissent vivantes. Je continue d’avancer dans l’allée principale. Je ne porte plus mon trois quarts en cuir, je ne porte rien d’autre non plus à vrai dire. Je suis nu, mais ça n’a rien de ridicule parce que je ne suis plus vraiment de chair. Je suis un être de lumière pure. Au bout de l’allée, juste devant un château qui me parait accueillant comme une demeure dont je me serai éloigné trop longtemps, se dresse une silhouette drapée de blanc et encapuchonnée. Je cours dans sa direction. Le vent se met à souffler. De plus en plus fort. À tel point qu’il arrache le voile blanc découvrant une femme nue. Elle est brune aux cheveux longs, la peau légèrement mate, mince et tonique à la fois. Je n’ai jamais vu de femme aussi belle. Digne et fière, elle dégage une impression de puissance. Elle me sourit je suis heureux qu’elle m’ait attendue. Elle aussi devient lumière, je cours vers elle, nous nous étreignons, nous embrassons et nous fusionnons, nous devenons un soleil, une étoile, un big bang, une galaxie. Après la fin vient le commencement. Exit ω, nous sommes α.

03/08/2019 0h18

À ceux que qui me connaissent, ne cherchez pas ω dans la « vraie vie », elle n’a existé qu’un instant dans mon esprit. Elle est le reflet perverti et démesuré de la partie émergée d’un iceberg que j’ai entrevu dans le brouillard, un mirage que j’ai assassiné et piétiné ce soir. Si elle ne l’a déjà fait, elle ne manquera pas de venir un jour frapper à votre porte, je vous ai montré comment la vaincre.

Solve & Coagula.

Pardon à ceux que j’ai offensés. La paix soit avec vous.

Nazteratom

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