De l’autre côté – Henri BÉ

Résumé des épisodes précédents :

Alors que j’errais dans les nimbes intellectuels de mon fil d’actualités Facebook assaillis par les chamailleries de mes « potes » occultistes, l’annonce du nouveau clip d’un ponte de l’ésotérisme qui va vous révéler les secrets de l’univers dans un style digne de « C’est pas sorcier » (le côté scientifique en moins même s’il essaie de vous y faire croire), les prochaines sorties d’ESC, du Chat qui fume et d’Artus Film qui n’auguraient rien de bon pour mon compte en banque et la vie ordinaire du commun des mortels qui jugeaient bon de vous faire partager des moments ô combien cruciaux de leur existence comme « je mange une pizza hawaïenne ce soir », « je change mon papier peint et comme j’hésitais entre les Bisounours et les Télétubbies, j’ai opté pour le modèle réversible avec les uns au recto, les autres au verso. Le vendeur m’a garanti que ça ne posait pas de problème pour le retirer, qu’on pouvait répéter l’opération à l’infini. Vous pensez que j’ai été trop crédule ? », « Mon chat a bien mangé son ronron aujourd’hui et il adore sa nouvelle litière en copeaux de bois de cèdre pour chasser les ondes négatives… »… Bon bref, au milieu de ce vide intersidéral, j’ai entraperçu une lueur d’espoir. Mon salut s’est présenté sous la forme d’un mec à lunettes se débattant dans un sac plastique transparent.

Cacesthesia que ça s’appelait.

Écrit par Guy Kermenaka Zaroff

Trash éditions ? (sécrétion d’endorphine dans mon cerveau perturbé)

Et c’est sur la page de l’ami David Didelot ?

Donc ça ne peut pas être mauvais… (deuxième giclée d’endorphine).

Éditeur : Les Ombres d’Elyranthes ? Connais-pas…

Google… recherche…

Cerveau dit « zont zolis les couvertures », « a l’air bon tout ça », « tout acheter »,

mais compte bancaire dire « non, sinon toi manger sciure à la fin du mois ».

Je vous fais grâce de la suite de ce dialogue intérieur pour en venir aux choses sérieuses.

C’est-à-dire l’achat de ce putain de Cacesthesia que j’ai tout simplement adoré. Allez, je vous remets le copier-coller du billet que j’avais posté sur ma page Monsieur le 6 (si ce n’est pas déjà fait : aimez-la, likez-la, léchez-la, mais bordel, donnez-lui de l’amour !).

Ma dernière lecture déviante : Cacesthesia de Guy Kermen Aka Zaroff qui a déjà sévi par deux fois dans la collection Trash avec Night Stalker et Bayou. Un recueil de 31 histoires courtes à ne pas mettre entre toutes les mains. Vous croiserez en chemin bon nombre de serial-killer, des figures historiques et écrivains célèbres, quelques créatures immondes parmi lesquels l’humain ordinaire ne fait pas piètre figure tant l’auteur a le chic pour faire ressortir la noirceur enfouie dans l’esprit de chacun de nos congénères. Chez Kermen, les beaufs manigancent des meurtres infâmes en regardant la télé, derrière chaque rideau tiré se joue des drames atroces, les sous-sols sont des lieux de tortures, les bois des endroits où l’ont fait disparaître les corps… pour vous donner une idée, l’hécatombe commence par un récit à la première personnelle dans lequel narrateur endosse la peau d’Ed Gein (célèbre tueur en série ayant en partie inspiré Massacre à la tronçonneuse et le Silence des Agneaux)… Un rendez-vous à ne pas manquer pour les adeptes de littérature dérangée et malsaine, le tout servi par une plume réellement talentueuse. Vivement recommandé par votre serviteur.

Acheter Cacesthesia de Guy Kermen

Voilà vous avez compris : ce premier achat chez les Ombres d’Elyranthes m’avait comblé.

Euphorique, j’ai profité du trip pendant quelques jours en me prélassant sur mon lit, faisant de joyeux rêves de tueurs en série, de vision macabre, d’architecture cyclopéenne, de couple de vieux schnocks se massacrant à coup de hachoir devant le Juste Prix … puis fatalement, la substance présente dans mes veines a diminué, les effets se sont amoindris puis totalement dissipés et j’ai retrouvé la morosité du quotidien : boulot, dodo, doudou, école, nounou, embouteillage, cuisine, je ne commets pas d’homicide, je ne commets pas… rrahhhhhh…

Le verdict était clair : Il me fallait de nouveau un shoot.

J’aurais pu m’envoyer un volume de la collection Gore ou Trash, me relire American Psycho ou Orange Mécanique mais j’avais une furieuse envie de nouveauté, un farouche besoin de gouter à une nouvelle came. Comme le hasard fait bien les choses (quand il les fait mal, on appelle ça la poisse), j’ai rencontré dans les profondeurs de L’écritoire des Ombres, un individu sévissant sous le pseudo de Paladin, identité sous laquelle se dissimulait Henri Bé, auteur de L’autre Côté chez les fameuses Ombres d’Elyranthes. Les premières politesses échangées, Henri m’a rapidement vanté les mérites de sa came et nous nous sommes enfoncés dans le donjon pour discuter en privé. Henri s’est calé dos contre un mur, a furtivement regardé à droite et à gauche et a extrait de son blouson un pavé irradiant d’une puissante lueur verte. Scintillant comme l’enseigne d’une pharmacie apte à soulager mon manque. Tandis que légèrement ébloui, je mettais ma main en visière, Henri me déclarait « c’est de la bonne ». Je lui expliquais que j’étais diablement intéressé, mais que j’étais malheureusement un peu à court de thunes. Arrangeant, Henri m’a proposé comme facilité de paiement un échange contre ma propre came « Réussir sa vie grâce à la magie ». Dans les semaines à venir, dès que nos emplois du temps surchargés nous le permirent, nous nous envoyâmes par la poste nos produits respectifs et en ce jour bénit du 3 juin, cachet de la poste faisant foi, ma fidèle boite aux lettres m’offrit entre deux prospectus, l’objet tant attendu. Après un déballage et un moment de dévotion digne des primates de 2001 de l’Odyssée de l’espace face au monolithe, j’ai dû me rendre à l’évidence : L’heure n’était pas encore venue de s’envoyer la substance tant convoitée. Avant, il me fallait finir mon Graham Masterton du moment, à savoir le jour J du Jugement, un roman d’horreur dans lequel les héros ont fort à faire avec des démons employés par l’armée américaine pendant le débarquement de Normandie. Plutôt réjouissant d’autant que l’auteur met en scène des démons qui existent vraiment (enfin qui sont mentionnés dans les dictionnaires de démonologie, ce qui n’en déplaise à certains, n’est pas tout à fait la même chose). Bon ok, on n’est pas là pour chroniquer Masterton, mais comme je suis un champion de la digression et qu’on est sur mon site, je fais ce que je veux et pi c’est tout.

Donc, Henri Bé… De l’autre côté… Premier détail qui pour moi a son importance, je kiffe la couverture. Elle est élégante, attirante et troublante et reflète bien ce qu’on va trouver à l’intérieur. Les 14 nouvelles qui composent le recueil dégagent toutes leur propre atmosphère. Henri Bé reprend souvent des éléments connus et éprouvés de la littérature fantastique, mais à chaque fois en les employant de façon originale. On a ainsi droit à une histoire d’amour Zombie, des éléments de mythologie lovecraftienne replacés dans le contexte d’un fast-food. Chez Henri Bé, la SF type Space Opera tourne à la fable ésotérique, des fantômes japonais qui évoquent ceux de The Ring hantent les toilettes, des zombies s’invitent dans une ambiance western. Une femme qui croit avoir épousé l’homme idéal tombe en réalité sur un des pires que l’histoire est connu (oubliez ceci, j’en dis déjà trop)… Henri Bé ressuscite la Carmillia de Sheridan Le Fanu, prolonge l’univers onirique de Jean Rollin et de ses femmes vampires, mêle la SF de Philipp K Dick à des phénomènes de hantise aux accents cronenberguien ou même un peu marvelien (j’aime inventer des adjectifs à partir de noms propres). Le point fort de ce recueil c’est de parvenir à rendre identifiable les différentes influences qu’elles viennent du cinéma de genre, de classique littéraires tout en se les appropriant et en créant un univers qui possède sa propre identité servi par une écriture limpide et élégante avec un humour toujours bien dosé. Doser les ingrédients est d’ailleurs un des grands talents de l’auteur. On sourit souvent, mais on ne tombe jamais dans le grotesque. L’hémoglobine jaillit parfois, mais sans jamais atteindre des proportions gore. Donc bravo à Henri Bé pour avoir su synthétiser autant d’éléments disparates, se les approprier et les restituer dans un univers attachant et cohérent. Henri Bé démontre avec ce recueil qu’il maitrise à la perfection les formats courts qui siéent si bien au fantastique. On espère franchement que le bonhomme continuera de nous abreuver de sa prose sous cette forme et nous offre dans un avenir proche un format plus long comme un roman. C’est en tout cas, tout le mal qu’on lui souhaite. Vous l’avez compris « recueil vivement recommandé par Nazteratom aka Monsieur le 6». C’est de la bombe bébé.

Acheter de L’autre côté d’Henri BÉ

Nazteratom – Réussir sa vie grâce à la magie

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